1h30. Réveil. Ca pique, mais nous y sommes enfin, le jour tant attendu !
Je saute du lit pour aller réveiller toute ma "dream assistance". C'est aussi dur pour eux que pour moi. Mais je me dis que je dormirai mieux ce soir ! Les affaires et le vélo chargés la veille dans la voiture, à moi le bon gateau-sport aux pépites de chocolat...un régal ! Je prend quand même le temps de correctement m'alimenter car la journée va être longue, très longue.
2h20. Il est temps de quitter nos petites cabanes, et de rejoindre le parc à vélo qui ouvre à 3h. Il fait nuit mais la température est clémente. Silence radio dans la voiture, mais dans ma tête ça cogite grave ! Est ce que je n'ai rien oublié? Mes petits gants, mon casque, mon dossard....
Nous sommes les premiers à arriver sur place, il n'y a encore personne. J'aime autant, cela me permet de faire un petit tour de vélo pour me décontracter, de re-re-recontrôler à nouveau toutes mes affaires.
3h. Après avoir passé avec succès le contrôle habituel du vélo par les arbitres, je suis le premier à m'introduire dans le parc. Le ferry est juste devant nous...immense ! Je me dirige donc vers mon emplacement au n°216: une caisse en bois où nous déposons avec minutie toute mes affaires. Un côté pour les vêtements "chaud" et l'autre pour le froid qui je pense me sera bien plus utile ! La température avoisine la dizaine de degrés. Le parc se remplit rapidement, et la tension monte, monte, monte...
3h45. Il est temps d'embarquer. Un dernier bisou à tout le monde et c'est parti ! J'emprunte la passerelle qui nous mène au pont du bateau. Une fois à bord la tension est plus que palpable. Elle nous submerge. Pas un sourire, pas un bruit. Je retrouve les frenchies avec qui j'avais sympatisé les jours précédents. Il y a Lucie seule féminine française présente, Francky de Lourdes triathlon, et Jean François qui à choisi le Norseman pour son "baptême" Ironman !!!! Ca fait du bien de les retrouver, quelques mots échangés, un peu de réconfort, quelques sourires... Le bateau lève l'ancre...
4h50. Le pont à l'avant du bateau se lève. Enfin des cris, des sifflements se font entendre, j'en ai rêvé, ça y est j'y suis ! C'est à mon tour de sauter, une joie immense m'envahit, je crie... Et c'est le grand saut. L'eau s'engouffre dans ma combi, ma cagoule, mes chaussons. Ca reste supportable sauf pour les mains qui sont en contact direct avec l'eau. C'est froid, très froid mais je ne peux plus faire demi tour maintenant. Je me dirige à une cinquantaine de mètres, vers les kayaks qui forment la ligne de départ fictive. Il faut attendre cinq bonnes minutes avant que tout le monde soit sur la ligne et croyez moi c'est long et froid !
Le jour n'est pas encore levé mais le départ est donné. Il n'y a aucune bouée en vue, juste des kayaks pour nous escorter. Du fait de ma mauvaise vision de nuit, je fais une entière confiance aux pieds qui sont devant moi. De temps en temps, j'arrête de nager histoire de voir si je vais dans la bonne direction.
Je ne compte plus mes mouvements, cela doit faire une heure que je nage. Mes bras sont lourds, je ne peux plus désormais serrer mes doigts, je ne les sens plus, ils sont transis par le froid, je lutte. Je franchis l'unique bouée du parcours, prémice d'une arrivée toute proche.
Dès la sortie de l'eau, je suis immédiatement pris en charge par ma team assistance. Et heureusement, car je suis incapable de retirer ma combinaison seul. J'ai les mains tétanisées par le froid ! Impossible pour moi d'enfiler mes gants, de fermer la fermeture éclair de ma veste, de clipper mon casque... Je me revois trente années en arrière en train de me faire habiller par ma maman !
Prêt pour le parcours vélo, je m'attaque au long plat des premiers dix kilomètres, idéal pour se réchauffer un peu, puis vient la première quarantaine de kilomètres de montée ! Les jambes sont là, je me sens fort, je reprend du monde, de plus en plus... Ma team me suit de près, bien présente à chaque petit parking, aux petits soins pour moi.
Kilomètres 40. Fin de la première grosse difficulté passée sans encombre. Passage au premier pointage et arrêt au stand. Les 7°C ambiants m'insitent à mettre une petite laine de plus ! J'en profite pour manger et boire une bonne soupe chaude. Et c'est reparti pour un long faux plat descendant d'une cinquantaine de kilomètres. Je relève la tête de temps en temps pour profiter des magnifiques paysages qui me sont proposés: fjords, montagnes enneigées, clairsemés de maisons aux toits végétalisés....
Mais la route est encore longue, il faut que j'avance !
Kilomètre 100. Nouvel arrêt car maintenant il fait trop chaud ! Surtout que devant moi m'attendent quatre solides petits cols, serrés sur une quarantaine de kilomètres. Les trois premiers sont plutôt courts, et le quatrième, comme par hasard, le plus long et le plus nivelé ! Effectivement c'est dans ce dernier que je redouble d'effort car je tombe dans le dur. Les jambes ne repondent plus comme au début, mais je sais qu'après ce moment difficile, m'attendent quarante kilomètres de descente avant de poser le vélo.
Mon équipe est encore présente à mes côtés et ne cesse de m'encourager. Je serre les dents et bascule enfin...
Kilomètre 150. Un dernier bidon attrapé au sommet auprès de ma team avant qu'ils filent préparer ma prochaine transition. Il leur serait trop difficile et surtout trop dangereux de me dépasser en pleine descente. Dans un coin de ma tête, je prie pour ne pas avoir de problème mécanique !
Le revêtement n'étant pas de très bonne qualité, je reste concentré sur la route, les mains sur les freins. Je reprend encore quelques concurrents même sur cette partie qui n'est pourtant pas mon fort.
Je me sens bien, en forme, prêt à affronter le marathon.
J'aperçois le parc à vélo. A peine posé le pied à terre, ma team prend à nouveau les choses en main. Tout est prêt pour m'acceuillir. Boissons, nourriture, vêtements, je ne peux que faire une grosse course à pied pour les remercier de tout ça ! Je jete un coup d'oeil rapide dans le parc, il doit y avoir tout au plus une quinzaine de vélos, ce qui me motive encore d'avantage.
D'autant plus qu'en sortant du parc je dépasse quatre concurrents partis juste devant moi. Les kilomètres s'enchainent, aucune douleur, aucune fatigue pour l'instant. Je me sens pousser des ailes !
Des ailes, je ne peux qu'en avoir, avec ma team qui m'attend à chaque kilomètre pour me proposer tout ce dont je rêve: pâte d'amande, barre de céréales parfum fruit rouge, gel saveur orange, que du bonheur ! J'aperçois enfin très loin le fameux Mont Gaustatoppen... Le Graal !!! Il est de toute beauté et je n'ai qu'une seule hate, celle d'aller le toucher !
Kilomètre 25. La route tourne brusquement à gauche pour un passage sur un nouveau pointage, un ravitaillement, et commence la montée... J'aperçois un panneau avec 10% écrit dessus. Je comprend très vite que je suis arrivé... A "Zombie Hill": 12 kilomètres de montée à 10% !
Mon allure course à pied ralentit brusquement et je suis contraint de passer en mode "marche". C'est difficile à imaginer mais ça grimpe terriblement. Ma team à maintenant le droit de marcher à mes côtés et heureusement pour moi, car je suis maintenant dans le dur... Très dur. Les concurrents que j'avais dépassés sur les premiers kilomètres de course à pied, me dépassent maintenant à leur tour. Un coup au moral !
Kilomètre 28. Ce n'est pas fini pour moi puisque en quelques secondes, plus de son plus d'image, plus d'essence dans le moteur ! Je n'ai rien vu venir, je tombe en hypo et suis contraint de m'asseoir sur le rebord du coffre de la voiture de mon assistance, garée près de moi. J'ai très faim, je mange tout ce qui me passe devant les yeux. Mon équipe est inquiète pour moi mais il faut que je reparte. Petit à petit je reprends mes esprits, ce passage obligé dans les stands m'a fait quelque part beaucoup de bien.
La fatigue physique commence vraiment à se faire sentir mais le moral est encore bien présent. C'est dur, très dur. Je me répète sans cesse que je n'ai pas fait tout ça pour rien. Le mot abandon est inconcevable. Mes équipiers se relaient pour marcher à mes côtés, et par leur soutien, leurs encouragements ils portent chacun de mes pas. Je ne réalise pas vraiment sur le moment, mais sans eux, je n'avancerais pas.
Kilomètres 37,5. C'est le dernier pointage. C'est aussi la dernière montée.
Je quitte mes runnings pour chausser mes trails, aiguisés pour affronter les 5 kms de caillasses qui se sont donnés pour objectif d'achever mes cuisses ! En avant !!!
Avec la fatigue, cette dernière montée me parait une éternité. Les appuis sont fuyants, les chevilles se tordent, j'ai vraiment mal partout mais c'est bientôt terminé. Je vois le sommet se rapprocher et grandir après un peu plus d'une heure de montée. Voilà dix mois que j'ai un rêve et je suis sur le point de le réaliser. Je profite de ce bonheur, de cette joie immense qui est en train de m'envahir !
Le tapis bleu est là, à mes pieds... Je savoure.
Je tombe à genoux...
Ca y est je suis un NORSEMAN !!!!!
Retrouver ci dessous le classement général
Regardez bien la 19ème place....c'est moi !!!!